Salut !
Post by maina.tristan.pichardEn réalité je parlais des clefs anciennement usités et non des clefs
utilisées de nos jours. D'ailleurs je me demande à partir de quand le
passage c'est fait de l'ancienne manière à la nouvelle et si des partitions
sont toujours éditées avec les clefs anciennes (pour la musique baroque par
exemple).
J'avais bien compris le sens de ta question... qui est en fait assez complexe
mais fort intéressante...
Elle amène assez vite, si on la considère avec un peu d'attention, aux
questions de la norme, de l'usage, de la règle... et en corollaire à celle-ci
vient une autre, double : "QUI décide, et QUAND ?". Autrement posée :
1. sont-ce les compositeurs, ou leurs éditeurs, ou encore d'obscurs
soi-disant-théoriciens qui décident ?
2. cette décision est-elle antérieure ou postérieure à la musique à laquelle
elle s'applique ? (parce que, tu l'as apparemment très bien compris, on ne peut
traiter de cette question de la même façon pour la musique baroque et pour la
musique d'aujourd'hui...).
À un simple niveau combinatoire, nous sommes déjà en présence d'une flopée de
cas...
Faute de faire réellement autorité en cette matière, je me contenterai
d'apporter quelques témoignages...
Deux références : l'une, musicale, les cantates de Bach (pour lesquelles on
dispose de sources copieuses) ; l'autre, éditoriale, Bärenreiter (avec la
ribambelle de musicologues et de musiciens qui collaborent nécessairement à ce
genre d'entreprise ô combien respectable). Quand cet éditeur a entrepris, il y
a près d'un demi-siècle, de refaire une édition monumentale des oeuvres du
Cantor (la NBA), ils écrivaient encore l'allemand en gothique (quoique...
c'était peut-être que les titres... me rappelle plus...) et le quatuor vocal "à
l'ancienne" (fa3, ut4, ut3, ut1). Aujourd'hui, le système qu'ils utilisent est
fa3-sol octaviante-sol-sol (comme dans toute bonne chorale amateur qui se
respecte...).
La raison de ce système de clefs que les meilleurs éditeurs abandonnent - et
qui fait bougrement chier tout le monde aujourd'hui - était principalement
"économique". En effet, d'une part, le compositeur (et tous les musiciens avec
lui) disposaient d'une technique telle que ces clefs ne constituaient pas un
obstacle pour eux, et d'autre part, l'imprimeur voyait son travail simplifié
car les lignes supplémentaires requises étaient exceptionnelles du fait de
l'ambitus des voix du quatuor vocal (voir ci-dessous). Or chacun sait qu'une
ligne supplémentaire, ça fout le bordel : ça prend du temps à tracer, c'est
plus cher, ça tient plus de place, etc. Donc, si on peut les éviter, c'est
mieux. Sur cette question des lignes supplémentaires et des clefs, j'en veux
pour preuve les nombreux manuscrits ou éditions d'époque dans lesquelles des
instruments tels que le violon ou la main droite du clavier changent de clef à
tout bout de champs (sol2-sol1-ut1). Les usages n'étaient donc pas aussi
stables qu'aujourd'hui.
En ces temps reculés, les ambitus des voix se cantonnaient grosso merdo dans
une octave, et en tout cas ne dépassaient que très rarement les limites de la
portée soit une onzième (ce que je viens d'écrire ne s'applique naturellement
pas à la basse qui a volontiers une tessiture de l'ordre de la double octave).
Regarde : la Musica dans l'Orfeo de Monteverdi, fa3-mi4 ; Euridice, ré3-ré4 ;
l'Espérance, do3-mi4 ; etc. Ça dépasse à peine l'octave... Même chez Mozart il
y a des rôles dont l'ambitus est "sage" (de l'ordre d'une octave et demi) :
Dorabella, ré3-la4 ; Tamino, mi2-la3 ; Donna Anna, fa3- si bémol4. Mais on
commence à trouver des rôles plus exigeants de l'ordre de la double octave :
Zerline, do3-si bémol4 ; Fiordiligi, la2-do5 ; et évidemment la Reine de la
Nuit, ré3-fa5. Les compositeurs romantiques poursuivront cet "étirement" des
tessitures parallèlement à une "spécialisation" des voix toujours accrue. C'est
ainsi que la voix de mezzo, que je ne me souviens pas avoir rencontrée dans une
cantate de Bach mentionnée comme telle, deviendra une des voix féminines à la
disposition des compositeurs. Plus encore, on voit apparaître des qualificatifs
: baryton *martin*, basse *chantante*, etc. Comme on le voit, les distinctions
entre les voix, et leurs dénominations même sont liées aussi à l'époque... Mais
là, j'ai pas envie de me faire ramasser par un PK ou par un DFA de passage, et
donc je m'abstiens...
Toutefois, si on note l'alto en ut3 et le soprano en ut1, il me semblerait
logique de noter le mezzo en ut2... (on n'est pas dans la merde, tiens !)...
Mais en tout état de cause, il faut toujours se poser la question du point de
vue des usages de l'époque de la composition (et de ses éventuelles déviations
par rapport à icelle).
Aujourd'hui, la question ne se pose plus puisqu'on demande aux chanteurs de
faire des excursions dans des régions très éloignées de leur "midrange"...
Une dernière remarque sur la réponse que t'a fait Corinne (le joli arc-en-ciel)
: sur le fond, elle a raison. Mais quand elle dit que les clefs sont utilisées
pour transposer, je ne suis pas d'accord avec elle : d'une part, je joue d'un
instrument transpositeur, et d'autre part, il m'arrive de lire beaucoup de
musique écrite pour toutes sortes d'instruments et de voix. Et bien, quand je
transpose un instrument noté en clef de sol (comme le cor par exemple), je
n'exécute pas la même opération mentale que quand je lis dans une clef x, y ou
z (comme le basson dans l'aigu en ut4)... Ce n'est pas très facile à
expliquer... D'abord, utiliser les clefs pour transposer conduit inévitablement
à se prendre les pieds dans le tapis avec les altérations (si il n'y a pas trop
d'accidents, ça va encore, mais quand il y en a beaucoup, bonjour la galère !).
Ensuite, confondre la transposition avec la lecture des clefs induit peu ou
prou une référence constante à la clef de sol : c'est un peu comme parler une
langue étrangère en traduisant toujours dans sa langue maternelle, ça peut
marcher, mais ça manque d'efficacité.
Voilà... c'est tout pour le moment.
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François - maître chanteur